Regard porté sur "The Tale of tales" de Matteo Garrone avec Vincent Cassel , Toby Jones, Salma Hayek....
Regard porté sur « Le Conte des contes » / « The Tale of tales » de Matteo Garrone avec Salma Hayek , Vincent Cassel , Toby Jones…présentation en Compétition officielle Cannes 2015 le 14/05 / vu le 16/05 Sortie Cinéma Juillet
CANNES 2015
Bande-annonce "Tale of Tales" de Matteo Garrone
Le plan séquence du début du film donne le ton d’emblée. La steadycam suit un personnage de dos au pas alerte et affolé, d’apparence plutôt féminine. Il porte une robe colorée, « flashy moyenâgeuse », la chevelure est rousse et frisotée. Une impression de Comedia dell’arte revisitée au vitriol ou de « Cervantes déglingo » se dégage, le visage ambivalent semble masculin.
La surprise va être de mise, l’outrance, la bizarrerie et la folie larvée vont s’imposer face à la tradition fleur bleue des contes classiques.
Garrone décide d’adapter librement des contes italiens de Giambattista Basile un auteur ayant apparemment influencé Perrault et Grimm. tale_of_tales_de_matteo_garrone_11409690lazlr
Le cinéaste va nous conter 3 histoires distinctes de rois et princesses aux aspirations jusqu’au-boutistes teintées de folie, de fantaisie, de cruauté : une reine (S.Hayek) prête à tout pour être mère, un monarque coureur invétéré, obsédé sexuel (V Cassel) et un autre légèrement fêlé (T Jones) voulant marier absolument sa fille !
L’univers visuel alterne entre les références picturales retranscrivant des ambiances esthétiquement « colorées » (lumières chaudes/éclairage à la bougie/ photo parfois froide) et d’autres plus « artisanales » comme la scène de monstre marin traitée de façon kitsch, limite « facture » à la Corman (pape des séries B sans moyens aux USA dans les sixties).
Matteo Garrone livre un exercice de style sous influences multiples. Ses ainés transalpins peuvent être cités : Fellini, l’espace d’une scène avec des vestales aux poitrines généreuses, certains évoqueront les contes de Canterbury de Pasolini…
Sur le segment du roi et de sa fille à marier, on passe d’une scène grotesque à la Monty Python à une autre aux accents shakespeariens ! Les ruptures de rythmes peuvent déconcerter mais créent aussi une spécificité et une respiration singulière au film. Les poncifs du genre sont détricotés ou réinventés (La « puce du roi » grandit assez vite !) . Les thèmes sur la beauté, l’élixir de jouvence, la damnation (pacte à conditions) sont présents dans cette sorte de Game of Thrones façon renaissance sous acide moins héroic et plus fantasy !
Garrone livre un film barré, ne laissant pas le public au bord du chemin mais au contraire, l’univers des contes de fées est disséqué pour notre plus grand plaisir. La princesse semble sortie d’un slasher movie ou de Carrie de De Palma quand elle trucide son mari, maculée de sang. bloody_princess
Le film n’est pas forcément toujours au sommet mais reste captivant par son étrangeté et son ambivalence sous-jacente ! La morale de cette histoire (les 3 contes distincts se rejoignent à la fin) se termine par une scène de funambule, sorte d’allégorie de la Vie capricieuse et impitoyable et surtout de nous, simples mortels, roturiers et rois , face aux aléas et aux évènements inattendus !
N’hésitez pas à vous plonger dans cet univers riche et secoué. Garrone est un habitué de Cannes comme le fut dans les années 80 Peter Greenaway cinéaste peintre britannique à l’univers barré auquel, l’espace de certains plans il peut faire penser !
Les acteurs sont excellents, Vincent Cassel fait une entrée remarquée dans le film donnant à son personnage instantanément une dimension loufoque. Cassel_Tale_of_tales_2
Le gars encapuchonné inquiétant faisant office d’oracle tentateur m’a fait penser à Marty Feldman , acteur globuleux habitué des films de Mel Brooks !
La liberté de ton, la virtuosité de la mise en scène, l’étrangeté artistique du projet (Thèmes, costumes…) devraient séduire Guillermo Del Toro (membre du jury Cannes 2015) auquel le film fait penser ! Réponse le dimanche 24 mai 2015 !